N.B. : Ce projet a évolué pour devenir le film La Maison de la sorcière (voir sur le site du réalisateur Jérémy Zucchi).
Sorcières d’encre sera un long-métrage documentaire évoquant le processus des procès de sorcellerie à travers l’histoire de six femmes arrêtées pendant l’automne et l’hiver 1519 dans la Montagne ardéchoise, et les créations de six artistes, femmes invoquant, réinvestissant, réactualisant la figure multiple de la sorcière à travers des arts différents (notamment Marianne Vinégla Camara qui s’est glissée dans la peau de la prétendue sorcière Catherine Peyretone dans Brûlures vives).
Le réalisateur Jérémy Zucchi a d’abord entrepris le film comme un moyen d’expression intime par les images, recréation expérimentale du premier film auquel il participa à quatorze ans, esquisse de documentaire sur Catherine Peyretone, condamnée pour sorcellerie à Montpezat-sous-Bauzon. C’est à la cime de la Prade, la prairie de ce petit village situé au pied du plateau ardéchois, que cette femme fut brûlée vive, selon la tradition populaire, le 12 octobre 1519. Cet événement ne peut être évoqué hors du processus de contamination systématisé qui mena à l’arrestation de cinq autres femmes. Au Roux, un peu plus haut dans la montagne, Jeanne Chareyre fut arrêtée dès fin septembre, puis survint l’arrestation simultanée d’Agnès Colomb, Catherine Lashermes, Béatrice Laurent et Catherine Vesse, saisies, jugées, parfois torturées par les moines de l’abbaye de Mazan, sur le plateau.
De ces six femmes arrêtées pour sorcellerie dans un rayon de dix kilomètres entre fin septembre et décembre 1519, nous ne connaissons que ce qui subsiste des archives de leurs procès : noms, situations sociales et familiales, lieux d’habitation, charges pesant contres elles. Toutes étaient veuves, isolées, sans moyens de se défendre contre une population qui cherchait des boucs émissaires pour y déverser sa colère née des maux qui la frappait (maladie, mauvaises récoltes, pillage par les troupes armées…). Quel processus implacable a fait d’elles les rouages broyés du système créant et propageant de ville et ville les « épidémies » de sorcellerie? Étayé par les recherches historiques les plus récentes menées notamment par Laurent Haond, Sorcières d’encre exposera les processus et les raisons de ce phénomène, tout en mettant en place des dispositifs permettant de réactualiser l’Histoire par l’art, afin de s’approprier et mieux comprendre le passé qui nous habite.
L’accusation de sorcellerie provoque en nous des images, véhiculées par la tradition, les cultures anciennes et actuelles, mais ces visages de « sorcières » ne sont pas les leurs. Il s’agira, par les faits historiques, les traditions populaires et les créations d’artistes, de confronter les spectateurs de Sorcières d’encre à l’image qu’ils se font de la sorcière, et qu’ils prennent conscience du processus qui peut conduire chacun d’eux à devenir un bouc émissaire ou à en désigner parmi eux. Le site Internet d’Eclore proposera à ce titre des réflexions complémentaires sur l’image de la sorcière dans notre culture.
- Réalisation : Jérémy Zucchi
- Long-métrage – En cours d’écriture